L’annonce est tombée tard dans la soirée, jeudi 30 mars, au terme de longues discussions en conseil de sécurité, autour du premier ministre, Benyamin Nétanyahou. Pour la première fois depuis les accords d’Oslo en 1993, le gouvernement israélien a décidé d’autoriser l’établissement d’une nouvelle colonie en Cisjordanie, dans la vallée de Shilo. Cette mesure était une promesse faite aux familles de l’avant-poste d’Amona, démantelé sur décision de justice début février.
Elle intervient alors que les consultations diplomatiques s’intensifient, à l’initiative des Etats-Unis, pour relancer un semblant de processus politique entre les acteurs du conflit israélo-palestinien. En recevant M. Nétanyahou à la Maison Blanche, le 15 février, le président américain, Donald Trump, avait demandé à Israël de la « retenue » dans le développement des colonies. Mais l’annonce de jeudi n’aurait pu être faite sans consentement américain.
Selon l’ONG La Paix maintenant, la nouvelle colonie serait « stratégique pour la fragmentation de la Cisjordanie », en étendant encore les implantations entre la ligne verte (1948) et la vallée du Jourdain, qui compromettent un Etat palestinien. En outre, le gouvernement a annoncé la publication d’appels d’offres pour 2 000 nouveaux logements et le classement de près de 100 hectares en « terres d’Etat », permettant de légaliser trois avant-postes. Selon le Haaretz, M. Nétanyahou aurait annoncé à ses ministres qu’Israël se limiterait à l’avenir à des constructions dans des zones d’habitation déjà établies.
Depuis les élections de mars 2015, jamais encore les colons n’avaient bénéficié d’une telle influence en Israël. Selon le Bureau central des statistiques, la construction de 2 630 logements a débuté en Cisjordanie au cours de l’année 2016, soit une hausse de 40 % par rapport à 2015. Depuis que M. Nétanyahou est redevenu premier ministre en 2009, plus de 14 000 nouveaux logements ont été mis en chantier. Si en 25 ans, aucune colonie nouvelle n’avait été approuvée, celles existant déjà ont été souvent étendues. En outre, des dizaines d’avant-postes – colonies sauvages, établies sans autorisation des autorités – ont été régularisés au cas par cas.
C’est par « amour des colonies », selon sa formule du 18 décembre, que le premier ministre a cherché une formule pour satisfaire les familles d’Amona, au lieu d’exécuter simplement l’ordre d’expulsion imposé par la Haute Cour de justice. Les 50 familles d’Amona ont été évacuées le 2 février. Le 15 mars, leurs représentants ont rappelé par écrit à M. Nétanyahou ses engagements à leur égard.
Mais à cette pression de la droite nationale religieuse répond une autre, celle de Washington. Convaincu de pouvoir pousser les deux acteurs du conflit à un accord final, Donald Trump a dépêché l’un de ses proches, l’avocat Jason Greenblatt. Celui-ci a fait preuve d’habilité en rencontrant tous les acteurs, des représentants de la société civile palestinienne jusqu’à ceux des colons, sans jamais employer l’expression « solution à deux Etats ». Il s’est aussi rendu le 29 mars au sommet de la Ligue arabe, comme « observateur ». La Maison Blanche compte sur le soutien de l’Arabie saoudite, de l’Egypte et de la Jordanie pour pousser l’Autorité palestinienne au compromis.
Mais du côté israélien, M. Nétanyahou pense à sa survie. Il veille sur l’électorat que représentent les 400 000 colons en Cisjordanie, qu’il se dispute avec le Foyer juif de Naftali Bennett. « Bibi ne veut renoncer à rien à cause de sa coalition, explique au Monde la députée travailliste Ksenia Svetlova. Je suis très pessimiste. La droite et le centre ne parlent même plus d’un Etat palestinien. Quant à la solution régionale, elle paraît encore moins crédible qu’avant. Les Etats arabes sont faibles et ne peuvent donner de garanties de sécurité à Israël. »
Le développement des colonies négocié
Pour l’heure, le premier écueil se situe dans les discussions entre Américains et Israéliens. Un groupe de travail, mis en place pour définir le périmètre et les règles dans le développement des colonies, n’a pas abouti. M. Nétanyahou ne veut pas donner le sentiment d’une dictée extérieure. Le chef du bureau du premier ministre, Yoav Horowitz, et l’un de ses plus proches collaborateurs, l’ambassadeur à Washington Ron Dermer, conduisent les négociations du côté israélien.